Ton portrait tout craché !

Eh oui, ce drôle de bonhomme, appelé l’homonculus sensitif, te ressemble plus que tu ne crois !

Il s’agit d’une représentation du corps humain selon la place que ses différentes parties occupent dans notre cerveau. C’est le neurochirurgien canadien Wilder Penfield qui, dans la première moitié du XXème siècle, a été le premier à établir une carte de la représentation des différentes parties du corps dans le cerveau, laquelle a été perfectionnée depuis grâce à l’imagerie médicale.

Dans cette représentation, on peut voir que la taille des parties du corps dans la carte du cerveau est proportionnelle non pas à leur taille réelle, mais plutôt à la fréquence et à la précision de leur utilisation. Plus nous utilisons une partie de nous-mêmes de manière précise et différenciée, plus la représentation de cette partie dans notre cortex cérébral est importante. C’est ce qui explique que, dans notre homonculus, les mains et la bouche paraissent surdimensionnées, alors que d’autres parties comme la cuisse, par exemple, ont une représentation sous-évaluée par rapport à leur taille réelle.

Cette carte s’affine et évolue tout au long de notre vie, de manière différente selon les personnes, en fonction du développement de l’usage que nous faisons de nous-mêmes. Par exemple, si pendant notre enfance nous devenons progressivement droitiers, la carte que notre cerveau a de notre main droite devient plus détaillée, car nous l’utilisons plus fréquemment et dans des situations plus variées. Parallèlement, la carte de notre main gauche va sans doute être un peu moins différenciée, reflétant une moindre dextérité.

Plus notre carte du corps est riche et fine, plus notre cerveau est capable de sentir avec précision les différentes parties de nous-mêmes, et plus il est capable de décider et de prévoir comment nous allons nous déplacer. En général, les danseurs professionnels, les experts en arts martiaux et les gymnastes de haut niveau ont une excellente cartographie corporelle. En revanche, une personne dont la proprioception est altérée à cause d’une blessure ou d’un accident neurologique va se déplacer avec moins de facilité ou de précision.

Et la méthode Feldenkrais dans tout ça ?

Par le biais de mouvements très fins et différenciés, effectués avec une attention particulière, l’un des objectifs de la méthode Feldenkrais est justement d’améliorer notre capacité à sentir et notre sens kinesthésique. Dans notre pratique, nous nous intéressons en particulier à des parties souvent « oubliées » de notre corps, peu développées dans notre conscience, mais qui jouent un rôle fondamental dans le bon fonctionnement de l’ensemble du système.

Ainsi, en développant une meilleure conscience kinesthésique et en affinant nos cartes cérébrales, nous pouvons améliorer beaucoup d’aspects de notre vie : nous devenons plus conscients de nos mauvaises habitudes corporelles responsables de tensions, moins enclins à nous blesser à cause de mouvements maladroits ou mal calculés, moins sujets à certaines douleurs chroniques en lien avec un schéma corporel déformé. Et, ce faisant, nous avons la possibilité de changer l’image globale que nous avons de nous-mêmes.

En d’autres mots, nous pouvons modifier notre propre homonculus personnel, qui est le produit de tout ce que nous avons vécu jusqu’à aujourd’hui : les expériences sensori-motrices de l’enfance ; les pratiques et activités qui ont jalonné notre existence ; le regard que notre entourage et la société nous ont renvoyé ; les traumatismes et accidents de la vie physique et émotionnelle qui ont pu nous amener à méconnaître, occulter ou gommer certaines parties de nous-mêmes.

Et en modifiant l’image de nous-mêmes, en l’affinant et en l’enrichissant, il n’est pas exclu que, du même coup, nous nous débarrassions aussi de nos vieilles idées sur nous-mêmes, nos vieilles croyances sur que nous pensons être capables ou incapables d’accomplir…

Et si la prise de conscience par le mouvement était aussi une clé pour améliorer l’estime de nous-mêmes et nous ouvrir le champ des possibles ?

 

« Chacun d'entre nous bouge, sent, pense et parle selon sa propre manière, en fonction de l'image qu'il s'est faite de lui-même au cours de sa vie. Pour changer sa manière d'agir, il doit changer cette image qu'il porte en lui. »

Moshé Feldenkrais

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